Joy & Amber

Amber était tout excitée. Pour la première fois de sa vie, elle allait vivre seule ou du moins, sans personne pour lui dicter ce qu'elle devait faire. Elle aimait beaucoup Kelly et Shannon mais elles étaient sans cesse sur son dos à lui conseiller tel ou tel robe pour telle soirée, à la réprimander si elle rentrait un peu trop tard ou si elle avait un peu trop bu. A seize ans, c'était parfaitement normal mais à vingt c'était plutôt gênant. Elle avait parcouru les annonces, aidée par la fiancée de sa tante, pour trouver un appart' ou même un studio à louer mais rien ne l'enchantait, trop loin du centre, trop cher... quand tout en bas de la page, elle tomba sur un petit encadré nommé "recherche colocataire". C'était une jeune femme d'à peu près son âge qui cherchait à alléger son loyer en proposant une place dans son studio. L'emplacement lui convenait et le prix était correct, elle décida donc d'aller l'après-midi même rendre visite à cette personne.

Elle se prépara, quitta la maison familiale qui, bientôt, ne serait plus la sienne, et prit le métro pour se rendre au 227 Portobello Road. Arrivée face à la porte, elle sonna. Une fois, deux, trois fois... Personne ne répondait. Elle attendit un moment, essaya en frappa à la porte des fois que la sonnette soit en panne, réessaya d'appuyer sur le bouton, un peu plus fort cette fois mais toujours rien. La jeune aveugle allait s'en aller et prévoyait déjà de revenir plus tard quand elle entendit un bruit de pas... Peut être arrive elle enfin ? venant de l'autre direction. Elle fut ensuite accosté par quelqu'un. Elle se retourna et cette personne, surement une voisine, lui demanda :

Vous venez voir Joy ?
Oui, c'est bien ça.
Elle doit être là, je ne l'ai pas vu sortir de la journée. Vous devriez entrer. Je pense que c'est ouvert.

L'aveugle s’apprêtait à dire que ce n'était pas grave, qu'elle ne voulait pas être malpolie et qu'elle repasserait un autre jour quand la porte de l'appartement qu'elle venait visiter s'ouvrit sur sa propriétaire. C'était une jeune femme brune, aux yeux gris et plutôt grande. Tout ça, Amber ne pouvait pas le voir mais elle se fit une idée de celle qu'elle avait face à elle à l'odeur qu'elle dégageait : un odeur de tabac mêlée à une vague senteur d'alcool. C'était surement quelqu'un qui aimait faire la fête. Cette idée n'était pas pour déplaire à la jeune femme qui n'était pas en reste pour ce qui est de boire un peu plus que conseillé et fumer autant qu'il lui plaisait. Si sa colocataire pouvait lui montrer des bons endroits où s'éclater, elles deviendraient vite amies. Et sinon, elles s’entendraient surement bien tout de même, elle n'est pas très dure à vivre. La jeune fille pensa soudain qu'elle devait se présenter et dire pourquoi elle se trouvait là :

Euh... Bonjour. Je m'appelle Amber Kennedy. Je viens pour l'annonce dans le journal.

Cela faisait maintenant plusieurs semaine que j'avais déposé une annonce dans le journal pour trouver un ou une, enfin une de préférence, colocataire. J'avais reçu bon nombres de visite sans trouver pour autant la bonne personne. En effet l'odeur de tabac et d'alcool, les faisaient s'en aller avant même d'avoir franchi le seuil de la porte. En effet il devenait de plus en plus dur pour moi de payer le loyer, donc pour ne pas me retrouver à la rue, il me fallait trouver rapidement quelqu'un pour partager le loyer avec moi.

Depuis quelque temps je n'avais plus de visite, et je ne comprenait pas pourquoi. Mon studio était pourtant situé dans un bel endroit, dans une petite rue, au dessus de quelques commerces, la nuit il n'y a pas un chat et c'est l'un des rares quartiers ou l'on peut sortir la nuit sans crainte d'être agressé ou bien violé. Le quartier idéale pour une ou deux jeune femmes célibataires. Il faut dire que ce n'est pas dans ce quartier qu'il faut venir pour trouver le prince charmant. Il y'a des garçons certes mais tous ou presque ont commencer et pour d'autre bien entamer leur crise de la quarantaine.

Le studio quand à lui était simple. Une pièce à vivre, ni trop grande ni trop petite, où était disposés deux canapé lit. J'avais en effet déjà effectué l'achat d'un deuxième clic clac pour ne pas avoir à courir de magasin de meuble en magasin de meubles lors de l'aménagement d'un ou une colocataire. Cette pièce à vivre comprenait aussi une télévision, bien que je ne soit pas fan des séries télé parfois, excusez moi le terme, chiante, je la trouvait bien utiles pour les longues soirée d'hiver. La décoration était on ne peut plus simple. Cette pièce était séparée des autres par un paravent, pour donner un peu plus d'intimité. A l'opposé de la pièce à vivre, une petite, pour ne pas dire minuscule cuisine, et une porte donnant sur une salle de bain, heureusement un peu plus grande que la cuisine. Et au centre du studio, une table, pouvant accueillir environ six personnes.

J’entamais une petite séance de ménage quand j'entendis entre deux passage de serpillière un bruit provenant du palier. Je n'y prêta d'abord pas attention, puis j'entendis plus distinctement ce bruit qui était en réalité des voix. Je me hâta de ranger tout mon petit bazar puis j'alla coller mon oreille contre la porte pour entendre d'où les voix provenait. Je reconnu tout d'abord celle de Mme Wood, ma charmante voisine, une deuxième voix ce mêlée à la sienne, cette fois-ci c'était la voix d'une jeune fille. Intriguée, j'ouvrit la porte et je découvrit une jeune fille brune assez grand & le regard étrangement vide. Je la contempla plusieurs minute, j'en fut tirée lorsqu'elle se présenta « Euh... Bonjour. Je m'appelle Amber Kennedy. Je viens pour l'annonce dans le journal ». Elle esquissa un sourire à la fin de cette phrase, et me sembla fort sympathique. « Salut Amber, moi c'est Joy. Franchement je commençais à désespérer, l'annonce est depuis des semaines dans le journal & les seules personnes qui sont venues sont reparties aussi vite à chaque fois mais à vrai dire je ne sais pas vraiment pourquoi. Mais vas y entre je t'en prie ». Elle pénétra dans le studio, et tout en faisant un signe de la main à ma charmante voisine, je lui emboîta le pas et referma la porte derrière moi.

Après s'être poliment présentée, la locataire de l'appartement la fit entrer et referma la porte derrière elle. Il était difficile de se faire une idée du lieu sans le voir et c'était plus pour rencontrer celle qui deviendrait sa colocataire qu'Amber s'était déplacée jusqu'ici. Elle ne pouvait pas se permettre de vivre avec n'importe qui. C'était valable pour tout le monde mais encore plus pour la jeune aveugle. En effet, elle était plutôt débrouillarde malgré son handicap mais elle avait besoin d'un peu de coopération de la personne avec qui elle partagerait peut être son chez-elle pour des choses simples comme essayer de mettre les choses toujours à la même place, ne pas laisser du bazar au sol sur lequel elle risquerait de tomber etc. Si elle arrivait à se débrouiller sans auxiliaire de vie, avec seulement une canne, c'était grâce à tous ces petits détails auxquels ont ne fait attention que quand on ne les voit pas. Elle aurait pu prendre un chien guide si le destin n'avait pas décidé qu'elle soit, en plus d'être non-voyante, allergique aux poils de ces braves bêtes.

Le studio dégageait la même odeur que sa propriétaire. Le sol devait être en carrelage vu le bruit produit par les spartiates de la jeune fille quand elles touchaient le sol. C'était bien peu mais c'était ce qu'apprit Amber en pénétrant à l'intérieur. Il faudrait attendre un peu plus pour qu'elle en découvre d'avantage. Il y a tout de même des inconvénients à n'avoir que quatre sens même quand, comme la jeune fille, on arrive tout de même à se déplacer et à faire la plupart des actions de tous les jours seul. Par exemple, Amber ne savait pas à quoi les choses, elle comprit, ressemblaient. Elle n'avait jamais vu et ne pouvait pas imaginer ce qu'était qu'une couleur. Pour elle, tout avait une forme et un aspect spécifique au toucher. Même en temps que mannequin, elle portait des habits qu'elle refuserait peut être d'enfiler si elle les voyait mais dans son cas, elle n'avait d'autre choix que de s'incliner devant les choix des stylistes de Buckley Compagnie. C'était peut être une bonne chose après tout, au moins elle ne deviendrait jamais une de ces mannequins capricieuses qui n'acceptent de poser ou de défiler que quand la tenue leur plait.

Alors... Et si nous faisions connaissance ?

Un voyant aurait tout de suite voulu visiter, admirer la vue... mais elle n'en avait que faire, elle voulait savoir si sa colocataire serait assez coopérante pour que la cohabitation avec l'aveugle soit possible. Sur le plan caractériel, celle-ci s'entendait bien avec la plupart des gens, mais elle ne pourrait jamais habiter avec certains de ses amis les plus proches car, soit ils voulaient absolument l'aider pour des choses qu'elles faisaient sans problème, soit au contraire il ne voulait pas comprendre que changer un simple pot de place pouvait poser un problème. La règle d'or avec la mannequin était de ne jamais l'aider quand elle ne le demandait pas, sinon elle le prenait souvent assez mal. Amber n'était pas certaine que Joy ait remarqué son handicap, elle n'avait rien dit et quand les gens le découvre, ils ne peuvent rarement s'empêcher de dire presque timidement : « Oh tu es aveugle... » suivi parfois d'un : « Ça doit être dur à vivre » pour les plus maladroits.

La jeune fille me paraissait fort sympathique au premier abord. J'avais pu remarquer son handicap, mais j'attendais qu'elle m'en parle avant de lui en parler de peur d'être maladroite avec elle et de la faire fuir elle aussi. Son handicap ne me posait aucun problème, je suis très ouverte d'esprit et puis que le personne soit handicapée ou non je n'en ai que faire, je ne suis pas le genre de personne à faire de la discrimination. C'est vrai que je n'ai jamais côtoyer de personnes handicapées dans ma petite vie, il fallait donc que je change un peu mon style de vie, enfin que je fasse bien attention à ne pas laisser traîner mes affaires au sol, histoire de ne pas la faire trébucher, heureusement pour moi, je venait juste de faire le ménage, il ne restait donc rien au sol.

J'espèrer vivement qu'Amber aller accepter d'être ma colocataire, et si elle le devenait ce ne serait surement grâce à l'intérieur de l'appartement car elle ne peut pas le voir, il fallait donc que je soit le plus naturelle possible, elle choisirait certainement de vivre ici en fonction de ce que je suis, mon caractère et peut être mon ressenti par rapport à son handicap. Je la trouvais vraiment très courageuse d'arriver à vivre avec, à sa place je ne sais pas comment je vivrais sans voir, je resterais très certainement cloîtrée chez moi, par peur du regard, ou même pire, de la pitié des gens. Je l'admirer en quelques sorte, il fallait quand même avoir un certain courage monstre pour vivre ainsi. Une dépressive et une aveugle partageant le même appartement, vous imaginez un peu le tableau ? Moi je l'imagine très bien et je peut vous dire que ça promet. Enfin il ne fallait pas que je crie victoire trop vite peut être n'allait elle pas accepter de vivre ici.

Je fut tirée de mes pensées lorsque j'entendit sa voix « Alors... Et si nous faisions connaissance ? » Faire connaissance, j'avais oublier ça, faire connaissance était un point capital pour trouver la bonne personne susceptible de devenir ma colocataire. « Bonne idée ! Je m'appelle Joy Dakota Avery j'ai 19 ans, j'suis barmaid dans un bar de Camden Town & j'suis à Londre depuis plusieurs mois maintenant & toi ? Si tu veux savoir autre chose, n'hésite surtout pas je te répondrais avec plaisir »

Joy approuva la proposition d'Amber, à savoir de se présenter, et s'executa, déclinant nom, âge, job et lieu de vie. Ensuite, elle lui retourna la question. Après tout, c'était parfaitement normal. Les deux jeunes filles devaient apprendre à se connaitre au moins un peu avant d'emménager ensemble. La jolie aveugle prit une inspiration et énuméra :

Amber Keira Kennedy, 20 ans, célibataire, mannequin, aveugle et j'ai toujours vécu dans les environs. Tu peux aussi me poser des questions si tu en as. Après un instant d'hésitation, elle ajouta : Même si c'est à propos de mon handicap, n'hésite pas ! Ce n'est pas un tabou pour moi, j'ai vécue toute ma vie avec.

Amber espérait que tout se passerait bien avec la barmaid et qu'elle pourrait s'installer ici car tout lui convenait, de l'emplacement au prix, en passant par tous ces petits détails qui ont pourtant leur importance. Malgré cela, elle devait prévenir Joy des inconvénients qu'avait la vie avec une handicapé et, plus particulièrement, une non-voyante.

Par contre, je ne veux pas t’apeurer mais je dois te dire que même si je suis plutôt autonome, il y aura des contraintes à respecter si l'on vit ensemble. Par exemple, tu ne devras pas laisser trainer des choses qui pourraient me faire trébucher ou glisser sur le sol. Tu ne pourras pas déplacer quelque chose sans m'en parler avant sous peine de m'entendre pester un bon moment que je le trouve pas. Tu devras aussi accepter que certains des professionnels de santé qui me suivent viennent faire un tour ici de temps en temps pour un rendez-vous ou pour s'assurer que rien n'est dangereux pour moi.

A ce point là, il y avait deux solutions : soit la propriétaire s'enfuyait, trop bordélique pour supporter ces simples règles, soit elle l'accueillait quand même à bras ouverts. Bien entendu, une des deux possibilités était préférable mais on ne sait jamais comment les gens peuvent réagir dans ce genre de situation. C'est pour cela qu'Amber cachait tant qu'elle le pouvait ses yeux vitreux et plus particulièrement sur les podiums où elle refusait de défiler sans la bonne paire de lunette noire. C'était là la seule contrainte qu'elle imposait aux stylistes.

Les présentation était maintenant faites et j'avais vu juste Amber était bel et bien aveugle. Aveugle et mannequin . J'étais admirative, comment pouvait elle défiler sans voir ou elle allait. Je n'avais jamais côtoyer de personnes aveugles c'était une première pour moi. J'étais prête à faire des effort car elle me paraissait la candidate idéale pour partager l'appartement avec moi.

Après s'être présentée, elle me mis en garde sur les choses à faire ou ne pas faire, pour que notre colocation se passe pour le mieux. Je l'écoutais attentivement. Il y avais en effet pas mal de contraintes, mais cela ne me faisait pas peur. Je suis le genre de personne qui s'adapte très vite lorsqu'une nouvelle situation arrive. Ne pas laisser traîner mes affaires sur le sol allait sans doute être la chose la plus difficile à faire pour moi car je suis si on peut dire un peu bordélique. Mais cette colocation ne pouvais me faire que du bien car elle allait me permettre de ranger plus mes affaires et d'être ainsi moins bordélique.

Certains professionnels de santé devaient aussi passer pour s'occuper d'elle, ce n'étais pas non plus un problème. « Ne t'en fais pas, je respecterais tout ce dont tu viens de me parler, tout cela ne me fait pas peur au contraire. Par contre comment tu peut être mannequin alors que tu es aveugle, ça m'intrigue, car pour défilé il faut bien savoir ou l'on va non ? Donc si tu es ok moi je ne voit aucun inconvénient à ce que tu devienne ma colocataire »

Les dés étaient maintenant jeté, bien que je me doutait de ce qu'elle allait me répondre j'attendais quand même sa réponse. On ne sait jamais elle aurait très bien pu changer d'avis après tout.

Les présentations achevées, il ne restait plus au deux jeunes filles qu'à décider ci elles allaient ou non devenir prochainement colocataires. De son côté, Amber n'avait rien contre mais elle devait s'assurer que Joy savait à quoi elle s'engageait en vivant avec une non-voyante. Elle exposa alors dans les grandes lignes les contraintes qui accompagnaient ceci. A son grand soulagement, la jeune barmaid ne la congédia pas et au contraire dit qu'elle était prête à respecter cela.

Par contre comment tu peut être mannequin alors que tu es aveugle, ça m'intrigue, car pour défilé il faut bien savoir ou l'on va non ?

Amber sourit, c'était une question qu'on lui posait souvent et elle faisait toujours la peine réponse aux curieux qui la posaient :

Sur un podium, on va toujours tout droit. Je n'ai pas besoin de savoir où je suis. Ma seule peur est de faire un pas de trop et de m'étaler par terre mais, heureusement, ça ne m'est encore jamais arrivé.

Amber pensait être d'accord pour habiter dans le studio mais elle réfléchit encore quelques instants avant de prendre sa décision. Elle ne voulait pas regretter son choix ensuite. Après quelques dizaines de seconde de réflexions, elle jugea qu'il n'y avait aucunes raisons qu'elle laisse passer cette opportunité, d'autant que la locataire lui avait dit que de son côté, elle était OK pour qu'elle emménage.

Je pense que c'est OK. Tu as l'air sympa et en plus tu te sens capable de vivre avec moi. Le studio est bien situé, tu ne demandes pas trop cher... Je ne sais pas si je retrouverais tout ça aussi facilement. Tu es la première personne à qui je rend visite, il faut croire que je suis née sous une bonne étoile.

Un instant plus tard, l'aveugle se rendit compte qu'elle n'avait même pas demandé à visiter. Ce n'était peut être pas son premier critère mais elle voulait tout de même se faire une idée de son futur habitat avant qu'il le devienne pour de bon.

Je peux visiter par contre ? Je ne considère pas cela comme la première chose à faire mais ça reste nécessaire.