Kensington... Le quartier français de la capitale britannique, pourvu de parcs plus beaux les uns que les autres, surtout lorsque le soleil faisait l'honneur de sa présence aux londoniens.
Bliss-Elyemia adorait ce quartier. Il était toujours calme, quelque soit la période de l'année, et il y faisait bon vivre. De plus, elle trouvait à Kensington une incroyable et intarissable source d'inspiration pour ses photos. Elle y trouvait toujours quelque chose d'intéressant, une chose que les autres ne voyaient sûrement pas.

Réveillée aux alentours de 6h00 du matin, elle n'avait pas réussi à retrouver le sommeil, bien qu'elle soit exténuée par une semaine de travail intensif, et s'était levée. Peu désireuse de tourner en rond dans son appartement comme une lionne en cage, et ayant l'occasion d'occuper son temps libre comme elle le voulait, elle enfila un jogging et un débardeur, sauta dans ses baskets, et partit courir deux heures durant.
De retour chez elle, elle avala un koulouri maison et fila sous une douche bien chaude, qu'elle savoura avec délice. C'est en sentant l'eau brûlante couler le long de son dos qu'elle comprit à quel point ces petits plaisirs simples de la vie de tous les jours lui avaient manqué. Enroulée dans une serviette de bain, elle se dirigea pieds nus vers son dressing, où elle enfila un bustier style marinière, un short taille haute bleu marine et des spartiates beiges à talons hauts, en vue des températures estivales annoncées pour la journée. Puis elle remit de l'ordre dans ses cheveux qu'elle laissa ensuite retomber librement sur ses épaules nues avant de se maquiller sobrement : un trait de crayon noir autour des yeux, un peu de mascara assorti et une petite touche de gloss.
Enfin, Bliss mit son portable dans sa poche après avoir regardé l'heure -11h17-, mit la sangle de la sacoche contenant son appareil sur son épaule et claqua la porte de son appartement derrière elle.

Le parce de Kensington l'avait toujours attiré, avec ces plantes magnifiques, ces coins tranquilles, ces personnes qui le fréquentaient. Certaines avaient parfaitement leur place dans ce décor, tandis que d'autres restaient étrangères à la scène. La photographe trouvait d'ailleurs que c'était ces personnes, celles qui dénotaient, qui rendaient un cliché bien plus intéressant qu'un autre.
Allongée dans l'herbe à l'ombre d'un arbre, les jambes repliées, elle photographiait les rares nuages s'appropriant l'azur du ciel, les feuilles s'agitant sous la brise, et même une petite fille en train de faire de la corde à sauter.
Le manque d'inspiration qui l'étreignait aujourd'hui fut balayé lorsque, en tournant la tête vers la droite, Bliss-Elyemia aperçut un jeune homme, blond, peut-être un peu plus vieux qu'elle. Assis en tailleur, concentré sur son carnet, il lui fit immédiatement penser au célèbre Penseur de Rodin. Bien qu'ils n'aient rien en commun, l'image s'imposa d'elle-même à l'esprit de la blondinette.
C'est en le photographiant qu'elle comprit qu'il était différent des autres, mais d'une manière .... différente. Il dégageait quelque chose d'unique, de plus puissant encore que du charisme. Cela l'intriguait et la fascinait à la fois, ça donnait envie à la jeune femme de s'approcher et de l'admirer comme on le ferait pour une oeuvre d'art.
Car c'est ce qu'il était : une oeuvre, à part entière. Elle voulait immortaliser ses traits si fins sous un autre angle, mais il n'était pas dans ses habitudes de demander la permission de prendre des photos, et c'est ce qu'elle devrait faire si elle désirait le prendre sous un angle différent.
Elle laissa donc tomber cette idée qui lui semblait grotesque, mais continua cependant de l'admirer. Si elle ne pouvait fixer son visage sur une pellicule, elle pouvait au moins le graver dans sa mémoire...

La jeune femme s'arracha à la vision du blondinet et reporta son attention sur le petit garçon qu'il semblait dessiner. Elle le photographia machinalement, avant de s'attarder un peu plus longuement sur ses traits. Elle aurait reconnu ces yeux gris pétillants de malice entre mille, et pourtant, elle ne parvenait plus à remettre un nom sur la belle bouille de ce petit ange.
Bliss regroupa ses affaires et se leva pour aller s'asseoir sur le banc, derrière le petit garçon.C'est en chemin qu'un déclic se produisit. Elle n'avait vu qu'une personne possédant un regard curieux comme celui-ci : Jimmy, le petit monstre de ses voisins, qu'elle avait déjà gardé quelques rares fois alors que ses parents s'absentaient.
En s'asseyant, elle salua le gamin et ébouriffa ses cheveux en souriant lorsqu'il tourna la tête vers elle. Puis elle releva la tête et croisa un regard. Son regard. Ses yeux... Ils étaient d'un bleu-vert incroyable, de la même indescriptible couleur que la mer lorsqu'elle se drape un voile de mystère.
Bliss-Elyemia ne put détacher son regard du sien et, lorsqu'il détourna les yeux, son coeur battait la chamade.En plongeant dans l'abîme de ses yeux, elle avait perdu pieds.Ils ne s'étaient fixés que quelques secondes, mais cela lui avait paru durer des heures, et pourtant ce n'était pas assez à son goût. Elle avait l'impression qu'une tonne de choses venaient de passer entre eux, comme s'il l'avait mise à nue, qu'il avait tout saisi de sa personnalité, de la peine qui l'animait, comme de la peur de l'avenir qui l'habitait.
Elle le regarda repousser son carnet et son crayon avant de se lever et de s'approcher d'elle. La galopade de son coeur s'accentua encore tandis que ses idées s'embrouillaient.
Il investit totalement son champ de vision et il y eut un instant de flottement. Malgré le brouillard qui embrumait son cerveau, Bliss-Elyemia comprit qu'il avait fait ce qu'elle avait eu peur de faire : suivre son instinct. Alors qu'elle l'avait réprimé, il l'avait écouté et s'était avancé vers elle.
La jeune femme baissa la tête et regarda ses doigts crispés sur son appareil avant de la relever quelques secondes plus tard, un sourire étincelant sur les lèvres. Enfin, elle se décida à briser le silence qui s'était installé.

Bonjour... Hmm ... Je peux vous aider ?
Laissez moi deviner : vous m'avez confondue avec quelqu'un ? Désolée, mais... ce n'est que moi

Elle s'empêcha de rire face à son manque de sérieux et lui offrit plutôt un sourire franc.